Message du patriarche Bartholomée à l’occasion de la visioconférence
«Héritage et Mission de l’Eglise orthodoxe en France»
Chers frères et sœurs en Christ,
Permettez-moi tout d’abord de
vous saluer tous et chacun fraternellement en utilisant la salutation pascale
comme le veut l’usage de notre Église: le Christ est ressuscité !
Je voudrais adresser un remerciement très sincère aux organisateurs de cette rencontre et à toutes celles et ceux qui ont accepté de participer à ces échanges et à ces débats à l’occasion de la commémoration des 90 années qui se sont écoulées, depuis que le métropolite Euloge, de bienheureuse mémoire, a conduit son diocèse et toutes les paroisses dont il avait la charge, ainsi que l’Institut Saint-Serge, sous l’omophore du Patriarcat œcuménique. Depuis lors, tout au long de cette période de près d’un siècle, les membres de notre ancien exarchat, sous la conduite du métropolite Euloge puis de ses successeurs, ont œuvré d’une manière créative à l’installation et au renforcement de la vie ecclésiale en Europe occidentale, comme en témoigne le renouveau patristique et liturgique issu de ce qu’il est convenu d’appeler «l’école de Paris».
Notre prédécesseur sur le trône
patriarcal, Photios II, lorsqu’il reçut la visite du métropolite Euloge au
début de l’année 1931, le nomma exarque et lui remit un Tomos patriarcal lui
garantissant, ainsi qu’à toutes ses paroisses, le maintien de ses traditions
propres et une grande liberté. Cet engagement, nous le confirmons à nouveau
aujourd’hui: toutes les paroisses issues de notre ancien exarchat, que ce
soit en France ou ailleurs en Europe, qui sont restées fidèles au Patriarcat
œcuménique, pourront conserver leurs usages et les traditions liturgiques et
ecclésiologiques issues de leur héritage.
Depuis près d’un siècle
maintenant, nous n’avons pas cessé d’accompagner et de protéger la vie de notre
exarchat. Nous avons donc une longue histoire commune qui, certes, n’a pas
toujours été sans difficultés, mais qui a permis à vos paroisses, grâce à la
protection offerte par la Grande Église, de témoigner en Occident de votre
fidélité à l’Évangile.
Mais, comme vous le savez, le
Saint-Synode a décidé en novembre 2018 de retirer le Tomos que nous avions
accordé en 1999, ceci par souci de conformité à la tradition canonique de
l’Église orthodoxe, en décidant l’intégration et le rattachement des paroisses
de tradition russe aux saintes Métropoles d’Europe occidentale relevant du
Patriarcat œcuménique. Le temps était venu, après ces longues décennies de
présence en Europe occidentale et tous les efforts déployés afin d’assurer l’unité
du témoignage orthodoxe, de vivre cette unité selon le bon ordre canonique de
l’Église, afin qu’elle demeure le lieu du salut «pour toutes les nations»
(Matthieu 28, 19) conformément au service de l’Église que nous poursuivons
partout et pour tous. Il est de la mission et de la vocation du Patriarcat
œcuménique de préserver l’unité de l’Église orthodoxe par le respect des
critères ecclésiologiques selon lesquels l’évêque d’un lieu doit être le seul
au nom duquel la Sainte Eucharistie peut être célébrée, et l’unique responsable
administratif et pastoral sur le territoire dont il a la
charge, conformément à la recommandation du saint Apôtre « que
tout se passe dignement et dans l’ordre» (1 Cor 14, 40).
Vous le savez, le Patriarcat
œcuménique a toujours eu à cœur de servir tous les orthodoxes, sans distinction
de nationalité ou d’origine ethnique. Vous savez aussi à quel point nous sommes
attachés au maintien de l’unité visible de l’Église. Nous traversons parfois
des épreuves et nous devons faire face à des difficultés, mais il est du devoir
de tous d’œuvrer à ce que cette unité soit complète et sans faille.
Dans cette volonté de coopération
et de travail pastoral au service de l’Église, la mise en place dès 1967 d’un
comité inter-épiscopal, qui est devenu trente ans plus tard l’Assemblée des
évêques orthodoxes de France, témoigne clairement de cette volonté active et de
la nécessité d’une approche commune qui dépasse les nationalités et les
cultures au service du Christ, dans lequel nous sommes tous réunis. En France,
dans la dynamique que nous avons évoquée tout à l’heure, de nombreux mouvements
ont également contribué à cette unité au delà des tensions issues de nos
différences. Je pense tout particulièrement à la Fraternité orthodoxe en Europe
occidentale, à la revue Contacts, mais aussi aux mouvements de jeunesse comme
Syndesmos, ou l’ACER-MJO. N’oublions pas non plus les artisans d’unité qu’ont
été les nombreux orthodoxes, clercs ou laïcs, je pense en particulier à Olivier
Clément dont nous fêtons cette année le centième anniversaire de sa naissance,
et qui ont inlassablement travaillé à donner une image du corps ecclésial qui
soit conforme à ce que le Seigneur nous demande car, comme nous le rappelle
l’Apôtre: «Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a
qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu; un seul Seigneur, une
seule foi, un seul baptême; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de
tous, par tous et en tous» (Ep 4, 4-6).
Il est aussi du ressort de notre
ministère que les différentes traditions qui se sont enracinées en Europe
occidentale au cours du siècle dernier puissent librement s’y épanouir et que
leur floraison soit assurée aujourd’hui comme demain. C’est ainsi que l’unité
et la diversité, au contraire de ceux qui veulent les opposer, peuvent et
doivent concorder dans le témoignage harmonieux de la foi orthodoxe.
Une fois encore, je dois vous
dire que nous n’ignorons rien des épreuves que vous avez traversées et des
difficultés auxquelles vous avez dû faire face. Je peux comprendre que pour
certains d’entre vous, cela ait pu entraîner des tensions à l’intérieur des
communautés ou même des familles. Mais nous savons aussi que votre foi et votre
fidélité au Christ vous apporteront la guérison de vos peines et conduira à la
réconciliation de tous.
Vous avez choisi, le moment venu,
de vous confier à la conduite bienveillante du métropolite Emmanuel, notre
frère bien-aimé et concélébrant dans le Seigneur, pour que prospère le riche
héritage de langue, de liturgie et de pratique qui est le vôtre, de même que le
principal legs spirituel de vos Pères fondateurs qui est d’attester d’une
théologie vivante et d’une conciliarité et d’une collégialité vécue associant
clercs et laïcs. Il vous revient de manifester que la communion de toutes et de
tous autour de l’unique Eucharistie est le signe tangible du Royaume. De la
sorte, la terre de France, qui nous est chère, continuera de contribuer à
l’édification de l’unique Église du Christ. Le métropolite Emmanuel, tout comme
ses prédécesseurs les métropolites Mélétios et Jérémie, a su œuvrer en fidèle
serviteur du Trône œcuménique à cette nécessaire unité, et je le remercie
encore pour son service et son travail. Vous aurez bientôt un nouveau
métropolite qui, lui aussi, avec l’aide de l’Esprit-Saint, pourra vous guider
et vous accompagner dans votre service ecclésial.
Soyez assurés, chers frères et
sœurs, de notre soutien indéfectible, attentif à vos besoins et prêt à répondre
à vos attentes. En ce temps où nous allons célébrer la sainte et grande Fête de
l’Ascension de notre Seigneur, je voudrais vous rappeler à tous ce que proclame
l’Église dans le kondakion de la Fête: «Ayant accompli ton dessein
de salut pour nous, et uni ce qui est sur terre à ce qui est aux cieux, Tu T’es
élevé dans la gloire, ô Christ notre Dieu, sans nullement nous quitter, mais en
demeurant inséparable de nous et clamant à ceux qui T’aiment : Je suis avec
vous et personne ne prévaudra contre vous».
Nous vous adressons, ainsi qu’à tous vos proches, notre affectueuse bénédiction patriarcale, invoquant la miséricorde du Père Céleste afin qu’il fasse descendre sur nous tous sa grâce et son amour.
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